À pas feutrés : l'entrée des femmes dans les parlements allemands (1919-1933)
Agathe Bernier-Monod  1  
1 : Civilisation allemande
Université Le Havre Normandie

Le 12 novembre 1918, le Conseil des commissaires du peuple, gouvernement provisoire issu de la Révolution de Novembre composé de sociaux-démocrates majoritaires et indépendants, accordait le droit de vote aux femmes. Bien que seul le parti social-démocrate ait inscrit le suffrage féminin dans son programme avant 1918, l'ensemble des partis salua cette décision et investit des candidates sur ses listes. Les associations féminines appelèrent les électrices à voter et à rejoindre les partis. Le 19 janvier 1919, 37 députées furent élues à l'Assemblée nationale constituante. Entre 1919 en 1932, 111 femmes furent membres de l'Assemblée nationale constituante et du Reichstag.


L'éligibilité des femmes n'en suscita pas moins des craintes. Certains hommes politiques redoutaient en effet que la nouvelle mixité de l'hémicycle perturbe son fonctionnement. Certaines élues craignaient à l'inverse qu'on ne reprenne aux femmes ce droit récemment acquis, si elles se montraient indignes du travail parlementaire.


Ces craintes furent intériorisées par les députées, qui avaient conscience de détoner dans le « théâtre parlementaire » par leur voix, leur corps, leur tenue et comportement. Certaines veillèrent donc à ne pas se faire remarquer. La discrétion caractérisa ainsi généralement l'attitude des élues féminines au Reichstag. En témoigne leur prise de parole, plus rare et plus succincte que celle de leurs homologues masculins.


Partant de l'analyse de sources parlementaires, d'articles de presse et d'égo-documents, cette contribution portera sur les perceptions de la participation féminine au parlement fédéral allemand entre 1919 et 1933. Elle examinera les manifestations corporelles, vestimentaires, sonores et discursives de la non-conformité genrée des élues féminines. Elle dressera enfin le portrait de trois femmes qui dérogeaient aux règles implicites de retenue prévalant pour les députées : « la tricoteuse » Luise Zietz (parti social-démocrate indépendant), la « tonitruante » Ruth Fischer (parti communiste) et la « grande dame » Katharina von Kardorff (parti populaire allemand).


Agathe Bernier-Monod est maîtresse de conférences en civilisation allemande à l'université Le Havre Normandie. Elle est membre statutaire du GRIC et partenaire du laboratoire SIRICE. Ses travaux portent sur l'histoire du genre et sur l'histoire du parlementarisme dans l'Allemagne du XXe siècle.


Elle a soutenu en novembre 2017 une thèse intitulée « Les anciens de Weimar à Bonn. Itinéraires de 34 doyens et doyennes de la seconde démocratie parlementaire allemande », dirigée par Hélène Miard-Delacroix (Sorbonne-Université).


Derniers articles parus :

« Magnus Hirschfeld : Die Homosexualität des Mannes und des Weibes, [L'homosexualité de l'homme et de la femme] ». In : Le Gac, Julie/Virgili, Fabrice (dir.) : L'Europe des femmes. XVIIIe-XXIe siècle. Paris : Perrin, 2017, p. 116-119.

« Helene Weber (1881-1962), Politikerin (Zentrum, CDU) », biographie pour le portail internet « Rheinische Geschichte », février 2017, http://www.rheinische-geschichte.lvr.de/persoenlichkeiten/W/Seiten/HeleneWeber.aspx

« Frauenrechtlerinnen als Mittlerinnen, 1848-1933 », en coopération avec Christina Stange-Fayos. In: Colin, Nicole/Farges, Patrick/Taubert, Fritz (dir.) : Annäherung durch Konflikt : Mittler und Vermittlung. Heidelberg : Synchron, 2017, p. 133-145.

« “Ce n'est pas votre bétail que nous réclamons, c'est le nôtre.” Limites de la solidarité féminine internationale au sortir de la Grande Guerre : L'exemple de la correspondance entre l'Union pour le Suffrage des Femmes et les députées du Reichstag (hiver 1920-1921) ». In : Berger, Françoise/Kwaschik, Anne (dir.): La « condition féminine »: Féminismes et mouvements de femmes aux XIXe-XXe siècles. Stuttgart : Franz Steiner, 2016, p. 127-138



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