Manifestations de genre ou non dans l'interprétation pianistique aux XX -XXI siècles : un débat suranné
Maud Caillat  1  
1 : Iremus, Musicologie
Sorbonne Université, Sorbonne Université

Alors que nombre d'initiatives éducatives et médiatiques dénoncent les stéréotypes de genre dans la musique classique, quelle est la place de la distinction entre féminin et masculin dans la presse pianistique internationale? Autrement dit, une caractérisation genrée de l'interprétation persiste-t-elle et dans ce cas obéit-elle à des représentations, des particularités physiologiques ou des normes esthétiques ? La constatation suivante : « On a parfois dit que Martha Argerich jouait comme un homme. Autant dire que Vladimir Horowitz jouait comme une femme. »[1] illustre l'attitude de certains critiques du XXe siècle, déconcertés par ces femmes pianistes dont le jeu ne pouvait être identifié à leur genre. À l'instar de la formulation bi-thématique de la sonate classique, longtemps divisée entre masculin et féminin, certaines sonorités et gestuelles seraient donc révélatrices d'une identité sexuelle, au détriment d'une école, d'une tradition ou d'un choix interprétatif. 

En prenant des écrits et des déclarations journalistiques comme angle d'attaque, nous examinerons quels sont les paramètres impliqués dans ces opinions ou jugements. Nous verrons comment un type de répertoire a souvent été perçu comme plus approprié à une femme ou à un homme. Nous montrerons ensuite comment ces considérations continuent d'influencer la réception de l'interprétation, malgré le fait que la mixité des classes de piano dans les institutions musicales professionnelles a amorcé, depuis plusieurs décennies, une évolution et une uniformisation des normes interprétatives. Nous illustrerons notre propos par des exemples musicaux. 

 

Résumé biographique

Maud Caillat est docteure en musicologie de l'Université Lettres-Sorbonne et membre de l'Institut de Recherche en Musicologie (IReMus). Chargée de cours au sein de cette université depuis 2008, elle est l'auteure d'une thèse rédigée sous la direction de Michèle Alten et de François Picard : Confrontation culturelle Est-Ouest pendant la Guerre froide par le biais du concours Marguerite Long (1947 à 1979). Ses études musicales l'ont conduite à l'École Normale de Musique Alfred Cortot, à la Haute École de Musique de Genève et au Centre d'Arts Orford (Canada). Lauréate de la Fondation Igor Stravinsky, elle mène de front la recherche en musicologie avec ses activités de pianiste-compositrice. Actuellement, elle continue ses recherches sur les relations culturelles franco-soviétiques pendant la Guerre froide et sur la période néo-classique de Stravinsky. Elle contribue également à la valorisation de la Sonate pour piano en sol mineur de Fanny Mendelssohn par le biais d'un projet discographique et d'une transcription.

 

Bibliographie 

ABELES Harold F., « Are Musical Instrument Gender Association Changing ? », Journal of Research in Music Education, Vol. 57 n° 2, juillet 2009.

BEER Anna, Sounds and Sweet Airs : The Forgotten Women of Classical Music, éd. Anna Beer, 2016.

DEUTSCH Catherine, GIRON-PANEL Caroline, Pratiques musicales féminines : discours, normes, représentations, Symétrie, 2016.

LAUNAY Florence, Les compositrices en France au XIXe siècle, Fayard, 2006.

RAVET Hyacinthe, Musiciennes : Enquête sur les femmes et la musique, Autrement, 2011.

TROST Alex, KRAVETSKY Vadim, The Greatest Female Pianists of All Time : Top 100, éd. A&V, 2013.

[1] BELLAMY Olivier, Dictionnaire amoureux du piano, Plon, 2014.



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