Marie Darrieussecq traductrice ou comment marquer le genre au grand dam de ces ‘vieux messieurs de l'Académie française'
Pascale Sardin  1  
1 : Études anglophones
Université Bordeaux Montaigne, université Bordeaux Montaigne

Dans ses romans, depuis Truismes (1996), Marie Darrieussecq conçoit l'écriture, comme une activité politique destinée à déconstruire, entre autres, les stéréotypes de genre tels qu'ils se construisent, s'inscrivent et se perpétuent dans les discours littéraire et social. Or son outil de travail principal, le français, une de ses langues maternelles, Darrieussecq le trouve bien inadéquat. Pour elle, la langue française marque le genre trop – quand elle édicte la règle du masculin qui l'emporte sur le féminin – ou trop peu – quand elle confond le masculin et le neutre. Depuis maintenant quelques années, Marie Darrieussecq a fait la part belle aux langues étrangères et plus particulièrement à la langue anglaise dans sa production littéraire, que ce soit dans White roman paru en 2003 où la langue étrangère fait signe dès le titre, ou dans ses adaptations de pièces, traductions d'inédits et retraductions de classiques. En 2008, elle donne une version toute personnelle de lettres d'Ovide écrites sur le mer Noire sous le titre Tristes Pontiques. De l'anglais, quelques années plus tard, elle traduit entre autres un inédit de James Joyce en 2014, et propose en 2016 une nouvelle traduction de A Room of One's Own de Virginia Woolf. Or ces dernières traductions mobilisent doublement la question du genre : non seulement l'écrivaine en fait des traductions féministes où elle n'hésite pas à « traduire en femme » à la suite de Barbara Godard qui théorise et pratique le concept du womanhandlingau Canada à la fin du XXe siècle, mais elle continue aussi à y explorer les possibilités de la langue française. Le texte traduit devient un lieu où jouer et expérimenter avec la féminisation de la langue française, et ainsi manifester contre le conservatisme de l'Académie française. Cette communication s'attarde en particulier sur la visibilité de la traductrice dans Tristes Pontiques et sur les stratégies de visibilisation du genre féminin dans Room of One's Own.

 

Pascale Sardin est Professeure au Département des Études anglophones de l'université Bordeaux Montaigne où elle enseigne la littérature et la traductologie. Elle a entre autres dirigé Palimpsestes 22 Traduire le genre: femmes en traduction (Presses de la Sorbonne nouvelle, 2009) et a publié des articles dans Palimpsestes, French Studies ou encore Samuel Beckett Today/Aujourd'hui. Elle prépare actuellement une biographie littéraire de la traductrice et femme de lettres Barbara Bray.



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