Québécoises deboutte ! : une revue pour manifester le mouvement des femmes
Aurore Turbiau  1  
1 : Philomel, Littérature comparée
Sorbonne Université

Nous nous pencherons sur la revue féministe Québécoises deboutte ! (1969-1974) pour analyser comment au Québec, aux tout débuts du mouvement féministe, alors qu'en dehors des revues il n'y a pas encore de centralisation éditoriale des écrits des féministes, ni des femmes en général, le genre se manifeste par l'écrit. Le point de départ de la revue est en effet une question de genre : ce sont des femmes qui écrivent parce qu'en tant que telles elles ont des revendications à faire – c'est là le cœur manifeste du projet. Mais à partir de là les questions sont multiples. Qui manifeste exactement : la revue, les femmes qui y écrivent, le FLF, le Centre des Femmes (formations pilotes de la revue) ? Que manifestent-elles : une identité de genre, des expériences communes, un projet créatif, un projet politique ? À l'évidence, tout cela à la fois ; peut-on alors dire de la revue qu'elle manifeste ? On admet d'ordinaire que la revue – un genre d'écriture caractérisé par sa diversité – et le manifeste sont deux genres d'écriture bien distincts. Je voudrais montrer que dans le cas de cette revue, et dans son contexte historique précis, le problème est complexe, et qu'elle le prend sciemment en charge. Il s'agit d'une revue définie par un projet commun, le féminisme, et encadrée par des groupes politiques précis, contrairement à La Barre du jour (1965-1977) ou aux Têtes de pioche (1976-1979) – en cela, elle est plus proche de la forme « manifeste ». En outre, il faut considérer la spécificité des principes du féminisme de l'époque : au début des années 1970, des femmes mettent en commun leurs expériences et idées, sans savoir précisément où elles vont, et c'est leur mouvement, instable et éclectique, qui fait politique – pour elles l'Un c'est le propre du patriarcat. Un manifeste est impossible. Cette revue, elle, est capable de manifester le mouvement des femmes.

 

Bibliographie rapide :

- Daphné de Marneffe, Benoît Denis (dir.), Les Réseaux littéraires, Bruxelles, Le Cri / CIEL, 2006.
- Véronique O'Leary et Louise Toupin (éd.), Québécoises deboutte ! Tome 1. Une anthologie de textes du Front de libération des femmes (1969-1972) et du Centre des femmes (1972-1975), Éditions du remue-ménage, Montréal, 1982.
- Véronique O'Leary et Louise Toupin (éd.), Québécoises deboutte ! Tome 2. Collection complète, Éditions du remue-ménage, Montréal, 1983.
- Jacqueline Pluet, « Pour une histoire et une politique des revues », dans Les Revues littéraires au xxe, sous la direction de Bruno Curatolo & Jacques Poirier, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2002.

 

Aurore Turbiau

Doctorante contractuelle à Sorbonne Université sous la direction d'Anne Tomiche, CRLC
Thèse : « L'Engagement littéraire en 1970-1980, féminismes de la deuxième vague »



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