Du rose féminin au féminin rose. Rendre visible le féminin avec la couleur
Kévin Bideaux  1  
1 : Arts et études de genre
Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

L'association symbolique du rose avec le féminin commence aux États-Unis au début du XXe
siècle, avec la différenciation des layettes selon le sexe des bébés. Elle ne se fixe cependant
définitivement que dans les années 1950 (Paoletti, 2012). Le rose est depuis employé pour
rendre apparent le féminin, que ce soit dans les représentations figuratives ou abstraites de l'art
(Nemitz, 2006), dans les produits du marketing genré (Bartow, 2008), ou même dans les
symboles arborés par les militant·e·s féministes (pussyhat, gulabi gang) et queer·e·s (triangle
rose, pink bloques) (Grisard, 2015). L'usage du rose comme signe du féminin est aujourd'hui
si courant, en occident comme en orient (Yano, 2013) qu'on peut considérer le rose comme la
couleur du féminin.


En croisant les théories de l'art, les études de genre et les études sur la couleur, il s'agit de
mettre en évidence le glissement qui s'est opéré dans les représentations artistiques entre la
symbolique féminine du rose, et l'identification du féminin par la seule couleur rose. Je
m'intéresserai particulièrement aux pratiques d'artistes se revendiquant du (post-)féminisme
(Portia Munson, Kate Gilmore, Luisa Callegari, etc.) et qui utilisent le rose comme
manifestation du féminin dans leur art. Je mettrai leur travail en relation avec des emplois
militants du rose, et je m'interrogerai sur la pertinence de l'emploi de cette couleur dans leur
oeuvre.


En appréhendant la couleur rose comme une technologie de genre (De Lauretis, 2007), je
montrerai également comment l'emploi militant du rose en tant que manifestation du féminin
participe paradoxalement à légitimer sa symbolique. Ceci a pour effet de réaffirmer son emploi
dans les représentations du féminin, mais aussi d'encourager à chercher du féminin dans les
oeuvres où se présente du rose sans que ça ne soit forcément en lien avec le genre.


Bibliographie indicative :
BARTOW, Ann, 2008. « Trademarks, Commoditization, Gender, and the Color Pink », texte de la communication
présentée au colloque annuel de The Law and Society Association. Montreal, Hilton Bonaventure.
DE LAURETIS, Teresa, 2007. Théorie queer et cultures populaires. De Foucault à Cronenberg. Traduit de
l'américain par Sam Bourcier. Paris, La Dispute, « Le genre du monde ».
GRISARD, Dominique, 2015. « “If I can't dance, it ain't my revolution”: Queer-Feminist Inquiries into Pink
Bloque's Revolutionary Strategies », Zapruder World, 2.
NEMITZ, Barbara (dir.), 2006. Pink. The Exposed Color in Contemporary Art and Culture. Ostfildern, Hatje
Cantz Publishers.
PAOLETTI, Jo Barraclough, 2012. Pink and Blue: Telling the Boys from the Girls in America. Bloomington et
Indianapolis, Indiana University Press.
YANO, Christine R., 2013. Pink Globalization: Hello Kitty's Trek Across the Pacific. Durham, Duke University
Press.

Auteur :

Kévin Bideaux est artiste plasticien et chercheur-doctorant en arts et études de genre au Laboratoire d'études de genre et sexualité (LEGS, UMR 8238, Université Paris 8). Il est également membre du Centre Français de la Couleur et de l'Interdisciplinary Colour Association of Belgium.


Dans ses recherches doctorales, il adopte une approche inter- et transdiciplinaire qui croise les champs disciplinaires des arts plastiques, des gender studies et des cultural studies afin de mieux comprendre les usages du rose dans les arts visuels, le marketing, les sciences et la politique. Il cherche en particulier à mettre en évidence les processus symboliques de féminisation, d'efféminement et d'homosexualisation opérés par la couleur, tant dans la construction d'images (artistiques, publicitaires, culturelles, etc.) et de discours (scientifiques, littéraires, politiques, etc.), que dans leur réception (publics, consommateurs et consommatrices, etc.).


Dernières publications :
■ « Usages punitifs du rose en prison », Doc.eu, 4, « Închisoarea: fenomen istoric, sociologic și
psihologic », 2019, pp. 90-94.
■ « Millennial pink: gender, feminism and marketing. A critical Analysis of a color trend », Color
Culture and Science Journal, 11(1), 2019, pp. 82-89.
■ « Rethinking Baker-Miller Pink through gender studies », International Colour Association (AIC)
Conference 2018. Color and Human Comfort. Newtown, International Colour Association, 2018,
pp. 727-732.
■ « Étudier la couleur : une approche antidisciplinaire », in Laura Déléant, Jérémy Filet & Lisa Jeanson
(dir.), Questionner la recherche. Contributions des jeunes chercheurs aux systèmes complexes. Nancy,
Presses Universitaires de Nancy, 2018, pp. 333-348.



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