(Re)définir le genre dans le récit de voyage féminin anglophone au XIXe siècle
Anne-Florence Quaireau  1  
1 : Philomel, Études anglophones
Sorbonne Université

De tradition empiriste, le voyage au XIXe siècle est d'abord celui d'un corps percevant,
source de savoir et d'expérience, corps qui est aussi un texte inscriptible, modelé culturellement
en pratique, et élaboré discursivement dans le récit. En 1831, Ida Saint-Elme affirme en préface
de ses mémoires : « moi, je ne suis pas une femme, je suis un intrépide voyageur ». À la même
époque, Anna Jameson ressent quant à elle le besoin de rappeler dans son récit de voyage au
Canada : « I am a woman ». Ces deux exemples illustrent la nécessité pour les voyageuses de
soulever dans leurs récits la question de leur sexe, à la fois en ce qui concerne le fait qu'elles
voyagent et le fait qu'elles prennent la plume. Manifeste, incontournable, leur sexe pose
question : leur voyage remet-il en cause la définition de leur genre ? En s'aventurant en dehors
de la sphère domestique, et dans un ailleurs où leur genre est souvent défini différemment, ces
voyageuses contestent dans une certaine mesure la répartition genrée des rôles. Si les
voyageuses ne souhaitaient pas toutes subvertir les normes sociales, leurs récits devaient
nécessairement prendre position, quitte à composer un entre-deux. À partir de l'étude de récits
de voyageuses anglophones du XIXe siècle (Anna Jameson, Mary Kingsley, Isabella Bird par
exemple), j'analyserai comment ces femmes, considérées à la fois comme exceptions et comme
représentatives de leur sexe, (re)définissent leur genre, prises entre la nécessité (et parfois le
refus) de donner des gages de leur féminité, physiquement lors du voyage, au travers de
signifiants tels que jupon ou ombrelle, et littérairement, par le recours à la digression ou au
travers d'ellipses et d'omissions, et l'exploit physique que leur voyage constitue souvent, même
si elles s'en défendent parfois.


PRAG à l'UFR d'études anglophones de la Faculté des lettres de Sorbonne Université, Anne-Florence
Quaireau est l'auteure d'une thèse en littérature britannique sur le récit de voyage d'Anna Jameson au
Canada qui a reçu le prix de la SELVA (Société d'Étude de la Littérature de Voyage du monde
anglophone). Une version remaniée est cours de publication aux Sorbonne Université Presses. Sa
recherche porte plus particulièrement sur l'intersection entre identité et voyage, et entre littérature et
politique, dans les récits de voyage et romans de femmes britanniques du XIXe siècle.



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