« Chers Collègues ? Cher.es Collègues ? Chærs Collègues ? » En s'appuyant sur les travaux de la recherche linguistique grammaticale, analogique et cognitive, cette intervention montrera comment le français et d'autres langues « binaires » se dotent d'un troisième genre pour sortir les représentations mentales du masculin. Ce phénomène international de "l'inclusivité" reflète les enjeux bioéthiques, sociaux et politiques du XXIe siècle et renverse des fondamentaux anthropologiques longtemps perçus comme invariants : nous ne pouvons être que de genre masculin ou féminin. Qu' æn la rejette ou qu' æn l'approuve, cette séquence historique de notre langue donne à voir l'expression d'une identité non binaire qui a toujours existé, mais qui entre dans la sphère publique et se normalise, avec cette tentative d'élaboration des langues fondée sur les idéaux démocratiques de liberté et d'égalité. Cette communication propose donc de retracer rapidement la genèse du français inclusif dont le genre neutre n'est qu'un des procédés (qui le produit, dans quel corpus ?), mais aussi d'en présenter les enjeux et les perspectives linguistiques, sociales[1] et politiques. Elle illustrera le genre neutre par des attestations dans plusieurs langues binaires et fera la démonstration de sa systématisation à toutes les parties du discours affectées par le genre en français. Nous verrons également comment ce troisième genre est progressivement grammatisé par des entreprises à l'impact mondial, mais également par des productions littéraires et scientifiques soutenues par des maisons d'édition française, des universités et des centres de recherche.