‘Elle fait trop sa meuf' : variation des manifestations du genre au collège et en ligne
Margot Déage  1  
1 : Philomel, Sociologie
Sorbonne Université

Au sortir de l'enfance, dans une période de transition entre la puberté et la sexualité génitale (Bozon, 2002), les adolescents s'identifient et se contrôlent souvent à partir de normes genrées et sexuelles en cours de définition (Amsellem-Mainguy, Coquard & Vuattoux, 2017, p. 209-210). C'est dans l'interaction prolongée, dans la diffraction des jugements individuels au travers de rumeurs et dans leur cristallisation en réputation (Clair, 2008) que les comportements acceptables se négocient, en fonction de l'appartenance à une catégorie de genre.

Dans la cour de récréation, sur le devant de la scène (Goffman, 2006 [1959]), les interactions sont soumises au regard des autres. Comportements stéréotypés et mixité sont décriés. Les adolescents reprochent aux filles qui cherchent à se faire remarquer – que ce soit par leur tenue, leur maquillage, leur coiffure, leur vocabulaire, leur attitude, leur proximité avec les garçons, etc. - de « faire trop les meufs ». En coulisse cependant, sur les réseaux sociaux, les comportements sont soustraits au contrôle social direct et desinhibés (Suler, 2004). Cela donne lieu à des expérimentations relationnelles (Metton, 2004) et identitaires.

Une recherche doctorale a été menée pendant deux ans dans quatre collèges de la région parisienne qui accueillent des publics socialement différenciés. Nous avons combiné des méthodes ethnographiques d'entretien (n=176) et d'observation, nethnographiques (Kozinets, 2010) sur Snapchat (n=100), Instagram (n=144), et une analyse quantitative par questionnaire (n=236). A partir de ces données, nous montrerons que l'identité de genre des adolescents a plusieurs facettes. Nous étudierons les variations de ses manifestations entre la cour de récréation et les réseaux sociaux numériques. Puis, nous nous demanderons dans quelle mesure ces arènes sont perméables et si transgresser les contraintes adolescentes de genre en ligne peut avoir des répercussions hors ligne.

 

Références

Amsellem-Mainguy, A., Coquard, B. and Vuattoux, A. (2017) Sexualité, amour et normes de genre. Enquête sur la jeunesse incarcérée et son encadrement. Rapport d'étude de l'INJEP SGXSFVI. INJEP, p. 246. Available at: http://injep.fr/wp-content/uploads/2019/01/rapport-2017-06-prison.pdf.

Bozon, M. (2012) ‘Autonomie sexuelle des jeunes et panique morale des adultes: Le garçon sans frein et la fille responsable', Agora débats/jeunesses, 60(1), p. 121. doi: 10.3917/agora.060.0121.

Clair, I. (2008) Les jeunes et l'amour dans les cités. Armand Colin. Paris (Individu et Société).

Déage, M. (2018) ‘S'exposer sur un réseau fantôme: Snapchat et la réputation des collégiens en milieu populaire', Réseaux, 208(2), pp. 147–172. doi: 10.3917/res.208.0147.

Goffman, E. (2006). La Mise en Scène de la Vie Quotidienne, Tome 1, La présentation de Soi (Les Editions de Minuit). Lonrai.

Kozinets, R. V. (2010) Netnography: ethnographic research in the age of the internet. 1st ed. Thousand Oaks, CA: Sage Publications Ltd.

Metton, C. (2004) ‘Les usages de l'Internet par les collégiens. Explorer les mondes sociaux depuis le domicile', Réseaux, 1(123), pp. 59–84.

Suler, J. (2004). The Online Disinhibition Effect. CyberPsychology & Behavior, 7(3), 321‑326. https://doi.org/10.1089/1094931041291295



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