Pour une ‘sémiotique du genre' : prêter attention aux nouveaux langages du genre et aux outils d'écriture numérique qui les rendent possibles
Virginie Julliard  1  
1 : Philomel, Sciences de l'information et de la communication
Université de Technologie de Compiègne

Le genre « est à la fois le produit et le processus de sa représentation » (de Lauretis, 2007), un opérateur de catégorisation et le résultat de cette catégorisation. Selon Butler (1993), qui emprunte la notion à Derrida (1989), la reproduction du genre opère selon un principe d'itérabilité où chaque répétition des normes de genre le modifie et l'altère.

Dans une perspective que l'on pourrait qualifier de « sémiotique du genre », nous défendons l'idée selon laquelle les altérations que convoque ce principe d'itérabilité se jouent au niveau des signes et des textes, et en particulier ceux qui circulent dans les médias.

Cette perspective est attentive aux dimensions sociales et historiques de ces signes et de ces textes ainsi qu'à leur matérialité. Par matérialité, nous entendons à la fois la matière physique des registres sémiotiques – les signes ont un corps, une étendue, ils sont manipulables à cet égard (Wittig 2010 ; Kunert, 2016), leur existence est soumise à un dispositif de médiation ou à un support d'inscription –, et la physicalité des dispositifs – laquelle a un incidence sur les types de signes qui peuvent être utilisés et sur la manière par laquelle il peut en être fait usage. Ainsi donc, la sémiotique du genre est également attentive à la façon dont ces signes et ces textes peuvent être interprétés, faire l'objet d'appropriations ou de mises à distance.

Cette proposition défend l'intérêt que présente cette perspective pour étudier la manière par laquelle les outils d'écriture numérique participent à renouveler les langages du genre, les signes par lesquels le genre est produit et reproduit. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les résultats de deux recherches qui nous permettrons de considérer le cas particulier des sites de rencontre et de Twitter. La première, conduite en 2012-2013, explorait les modèles de féminité et de masculinité promus et négociés dans trois sites de rencontre par affinité culturelle et de loisirs (Quintonic, Points communs et On va sortir). La seconde explorait la production du genre dans la controverse relative à la « théorie du genre » sur Twitter dans un corpus de tweets publiés entre 2014 et 2017, et consacrés à cette thématique.

 

Bibliographie

Derrida J., 1989. Limited Inc., trad. de l'anglais par E. Weber. Paris, Galilée, 1990.

Kunert S., 2016. « Monique Wittig : de la matérialité du langage », in Cervulle M., Quemener N. et Vörös F. (dir.), Matérialismes, culture et communication. Tome 2. Cultural Studies, théories féministes et décoloniales. Paris, Presses des Mines.

de Lauretis T., 2007. Théorie queer et cultures populaires : de Foucault à Cronenberg. Paris, La Dispute.

Wittig M., 2010. Le chantier littéraire. Lyon, Presses universitaires de Lyon.

 

Virginie Julliard est maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l'Université de technologie de Compiègne. Elle est l'auteure de De la presse à internet, la parité en questions paru en 2012 chez Hermès Lavoisier. Elle co-organise, avec Nelly Quemener (Université Paris 3), le séminaire Genre, médias et communication depuis 2013. En 2018, elle soutient une Habilitation à diriger des recherches intitulée Sémiotique de la production du genre sur le Web.



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