Cette communication consisterait à étudier les manifestations du genre dans le Noticiero ICAIC Latinoamericano, à savoir les actualités cinématographiques cubaines créées par l'ICAIC, l'Institut cubain du cinéma, fondé au lendemain du triomphe de la Révolution cubaine. Véritable réussite technique et esthétique dans un pays qui, avant la Révolution, ne produisait que très peu de films, ce vaste corpus – 1490 éditions d'environ dix minutes, réalisées sous la direction du cinéaste Santiago Álvarez et diffusées chaque semaine entre 1960 et 1990 – a été très peu étudié jusqu'à présent. Il a pourtant largement contribué à construire un imaginaire collectif révolutionnaire à Cuba, en raison de son succès populaire et de sa durée dans le temps. Sa portée documentaire et informative ne doit pas nous induire en erreur : le Noticiero ICAIC ne constitue pas un simple reflet de la réalité cubaine contemporaine, mais bien une reconstruction et une manipulation de cette réalité – en un mot, une oeuvre de propagande.

Le bilan de la Révolution cubaine en matière d'égalité de genre est nuancé : les femmes ont obtenu certains acquis sociaux – en matière d'éducation, de santé, de contraception, de droit à l'avortement... –, mais le discours officiel des révolutionnaires reproduit souvent les stéréotypes traditionnels et l'égalité de genre en tant que telle ne semble pas faire partie de leur agenda. Le Noticiero ICAIC construit l'image d'une femme émancipée, conquérante, tour à tour ouvrière en usine et travaillant « comme un homme », milicienne se préparant à « défendre la patrie », ou militante de la Federación de Mujeres Cubanas (Fédération des Femmes Cubaines). Cependant, elle reste dans une position subalterne par rapport aux hommes : toujours présentée comme avant tout mère et épouse, son premier devoir envers la Révolution semble être d'inciter son fils et son mari à y adhérer.

Bio-bibliographie :
Ancienne élève de l'ENS de Paris, agrégée d'espagnol, je suis actuellement en première année de thèse à Sorbonne Université et rattachée au CRIMIC, où je travaille sous la direction de Nancy Berthier. Mes recherches portent sur la question du genre et de l'espace dans le cinéma cubain, tant le cinéma de fiction que le documentaire et le cinéma de propagande. J'ai pu présenter un premier aperçu de mes recherches au cours du Colloque International « Genre et Images dans les aires ibériques et latino-américaines » qui s'est tenu à l'ENS de Lyon les 28, 29 et 30 mars derniers (communication intitulée : « La remise en cause du machisme et des rôles de genre traditionnels dans De cierta manera de Sara Gómez (1974-1977). Entre documentaire et fiction », publication papier en cours). J'ai également travaillé sur le cinéma espagnol de la période franquiste et la mémoire de la guerre civile espagnole, ce qui m'a donné la possibilité de publier l'article “Paseo por una guerra antigua (Juan Antonio Bardem, 1948-49): una contramemoria de la guerra civil” dans Área Abierta, Vol. 16 n°2 (2016), Miradas a
la Escuela Oficial de Cinematografía, p. 41-53 (revue de l'Universidad Complutense de Madrid) ainsi qu'un compte-rendu de l'ouvrage Cinéma et guerre civile espagnole. Du mythe à la mémoire, de Vicente Sánchez-Biosca, dans la revue Mémoires en jeu, n°3, mai 2017, p. 137-139.